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20 décembre 2011 2 20 /12 /décembre /2011 13:01

Salut, lecteur ! Et Joyeux Noël à l'avance !

Je suis de retour avec un petit conte sans prétention ; un conte de Noël, bien sûr. Je le dédie à ma plus fervente lectrice (elle se reconnaîtra). C'est le tout premier conte que j'écris, du moins que je rédige, car j'en ai un autre sous forme de scénario, mais bon... Ceci est mon premier conte, quoi ! Et j'espère bien que ce ne sera pas le dernier, même si, à l'évidence, c'est un genre littéraire un peu ardu à aborder pour la débutante que je suis. J'ai eu un peu de mal à l'écrire, pourtant il est court ! En même temps, pour ce que j'avais à raconter, il ne pouvait pas être bien long, hein, faut être réaliste ! Bref, je crois que ma difficulté va se ressentir à la lecture, malheureusement, car globalement, je trouve ça un peu maladroit... Et encore, je l'ai retravaillé et j'ai amélioré pas mal de choses par rapport à mon premier jet. Mais le fait est que, ma maladresse est rendue perceptible par de vilaines répétitions... Comme tous les débutants, j'ai eu peur qu'on ne me comprenne pas, alors parfois ça patauge un peu dans la gadoue, au risque d'éclabousser le lecteur. Mais j'assume. Le principal pour moi est d'avoir essayé, et de m'être amusée pendant que j'écrivais. J'ai essayé d'écrire comme si je m'adressais directement à un enfant, et c'était ça le plus dur, car je ne fréquente pas les enfants (en ai pas dans mon entourage).

Donc voilà, je sais pas ce que vaut mon petit conte, mais je l'aime bien parce que c'est mon premier. Quoi qu'il en soit, si tu as des critiques, lecteur, n'hésite pas ! Et bonne lecture...

 

P.S : Le titre vaut ce qu'il vaut, hein... Je ne suis pas sûre qu'il convienne EXACTEMENT à l'histoire, mais j'en ai pas trouvé d'autre. On fera avec.

 

Le grand goûter de Noël

 

Le mois de Décembre est le mois de Noël. Alors, dès le premier jour de ce mois, au pôle nord, chez le Père Noël, se fait un grand goûter. C’est même plus qu’un goûter, c’est une grande fête qui dure jusqu’au matin du vingt-quatre Décembre, la veille de Noël. Pendant vingt-trois jours très exactement, tous se préparent pour le grand voyage de la nuit de Noël : le Père Noël lui-même, ses rennes, ses lutins, ainsi que… tous les jouets que les enfants ont commandé au Père Noël. Evidemment, le Père Noël est quelqu’un d’organisé : tout est donc prêt dès le premier Décembre. Tous les jouets de tous les enfants du monde arrivent avant cette date dans la maison du Père Noël. Une maison pas très grande mais très étonnante : personne ne pourrait soupçonner, à la voir comme ça, qu’elle puisse accueillir tant de monde ! C’est l’un des grands mystères que le Père Noël garde pour lui : tout comme les rennes font voler le traîneau dans l’espace, tout comme la hotte contient tous les jouets de tous les enfants du monde ; la maison du Père Noël est très, mais très hospitalière. On ignore comment elle fait, mais elle garde toujours assez de place pour que chacun s’y sente bien. Cette maison à une âme ; c’est l’âme de Noël. C’est d’ailleurs bien connu, à Noël, tout ce qu’on croit objet devient magique. Les arbres sous la neige, les routes, les maisons illuminées de guirlandes, les étoiles dans le ciel la nuit de Noël… et la liste pourrait s’allonger encore. C’est l’esprit de Noël qui plane au-dessus de nos têtes.

 

Bref, la maison du Père Noël n’est pas un endroit ordinaire. C’est pourtant, d’apparence, une maison toute simple, toute en bois. Elle ne paye pas de mine. Mais elle fait semblant, par modestie… car jamais, nulle part ailleurs, vous n’en verrez de plus belle. Il n’est pas difficile de deviner à quel point elle est somptueuse et accueillante ; décorée de houx, de neige et d’une magnifique couronne qui orne la porte d’entrée… Mais ce n’est pas tout. A l’intérieur, on trouve aussi le plus grand et le plus beau des sapins de Noël : garni de guirlandes, de boules de Noël de toutes les couleurs, de bougies, de sucres d’orge, d’une étoile de Noël (une vraie) placée au sommet et maintenue par un vrai petit ange de Noël… Sans compter toutes les guirlandes qui garnissent la cheminée où brûle un bon feu de bois, le fauteuil tapissé de velour rouge – il appartient au Père Noël, bien sûr ; et c’est un fauteuil à bascule –, le tapis, la jolie table toujours garnie de douceurs : soupes, purées aux châtaignes pour les repas, mais aussi chocolats chauds, gâteaux et bonbons en tous genres… C’est elle la plus décorée de toutes les maisons. Il fait bon y vivre, et il y fait toujours chaud, malgré la neige étalée en couches tout alentours.

 

Mais, le croirez-vous ? Chez le Père Noël, la neige n’est pas d’un froid si cruel, comme on pourrait le croire. Elle est douce et agréable, elle vous caresse le visage. On peut y plonger ses mains nues sans avoir peur de les geler. Elle tient simplement son rôle de neige, mais, bien qu’ici ce soit le pôle nord, elle n’est pas méchante et n’a jamais mordu personne. Pour peu que l’on soit bien couvert, de jour comme de nuit, il fait bon se promener. A traîneau, bien sûr. Lorsqu’il longe la forêt de pins et de sapins, le traîneau glisse avec légèreté sur la neige, la fait voler autour de lui, tandis que les flocons viennent se poser sur les grosses couvertures et coussins de velour rouge pour les décorer. Ce traîneau sert uniquement pour la promenade : ce n’est pas celui avec lequel le Père Noël s’envole dans le ciel la nuit de Noël. Non, ce traîneau là est plus petit, plus modeste et est tracté par Neige Eternelle, la petite ponette blanche du Père Noël. Tout le monde aime Neige, si belle avec ses longs crins blancs qu’on dirait faits de flocons… Elle est douce et gentille, et son trot est si agréable et aérien lorsqu’elle emmène le Père Noël et les jouets de tous les enfants du monde en promenade !

Car les jouets adorent les promenades à traîneau, il n’est pas difficile de le savoir. Les jouets aiment les douceurs du foyer, la caresse de la neige, le bruit des clochettes que fait tinter Neige Eternelle autour de son cou lorsqu’elle trotte, ils aiment jouer, évidemment, manger des gâteaux et déguster des chocolats chauds. Les jouets ressemblent à leurs futurs petits compagnons : les enfants. Mais ceci est une évidence.

 

Ainsi donc, les semaines précédant Noël sont leur fête à eux. Ils se réjouissent de ce qui les attend et ils se plaisent beaucoup à imaginer dans quelle chaleureuse et accueillante maison ils vont atterrir, quels nouveaux amis ils vont se faire, et qui ils vont rendre heureux et à qui ils vont donner leur amour de jouets ; qui ils vont réconforter, cajoler le soir avant de dormir… En somme, ils sont heureux à l’idée de découvrir bientôt celui ou celle à qui ils sont destinés, et par qui ils sont destinés à être aimés. C’est une chose très, mais très importante pour eux. C’est cela leur raison d’exister, de prendre vie et de dessiner un joli sourire sur leurs visages de jouets.

     

Le plus joli de tous ces petits visages, c’est sans aucun doute celui de la petite poupée Marilou. Elle a un joli nœud rose noué autour de sa petite tête. Elle n’a pas de cheveux, car c’est une toute petite, toute petite poupée. Elle ne parle pas, car elle est trop petite pour ça. En revanche, elle passe son temps à rire et à taper dans ses mains tant elle est joyeuse, tout en embrassant le monde de ses magnifiques yeux bleus. Des yeux comme ceux-là, personne n’en a jamais vus. Des yeux de pure gaieté et d’innocence, des yeux de petite poupée destinée à être aimée et cajolée jusqu’à la fin des temps. Car telle sera sa vie, et quoi de plus normal pour une petite poupée ? Elle reste assise sur un petit coussin de velour rouge, posé sur le tapis et entouré de douces couvertures, au coin du feu, et elle regarde les allées et venues, les danses et les jeux des autres jouets et des lutins du Père Noël chargés de s’occuper d’eux et de veiller à ce que chacun ne manque de rien. Ce n’est pas une mince affaire, mais au contraire une grosse responsabilité que les lutins sont ravis de prendre. Tout le monde est très gai : petites voitures, poupées en tous genre, petits trains, avions, ours en peluche et toutes sortes de peluches différentes, clowns, figurines de toutes espèces : tous font la fête.

 

Même les livres sont de la partie : ils font la lecture à ceux qui le veulent, et ils sont nombreux ! Pour cause : qui peut résister aux belles images et aux douces voix des livres ? Il est des livres qui font rire, d’autres qui font peur, d’autres qui coupent le souffle, des qui font rêver, des extraordinaires, des poétiques, des ludiques et des qui bercent. La petite poupée Marilou préfère ceux qui font rire et ceux qui bercent. Elle est très sensible aux histoires… et à la mousse au chocolat. Quand elle n’irradie pas le monde de son sourire et de son regard émerveillé, elle mange. Toutes sortes de choses. Mais ce qu’elle préfère, c’est la purée de pommes de terres aux chataîgnes et la mousse au chocolat. Quoi de plus naturel ? Ce que les enfants peuvent aimer, les jouets l’aiment aussi. Et Marilou encore plus.

 

Mais voici comment se déroulent les journées dans la maison du Père Noël : tout le monde se lève de bonne heure. Après quoi, on déjeune copieusement, puis Neige Eternelle se charge d’emmener promener Père Noël, jouets et lutins. De retour à la maison, on se réchauffe au coin du feu avec un bon repas où chacun mange ce qu’il veut : tout est permis dans la maison du Père Noël. Ensuite, c’est l’heure de la sieste. Puis, après le goûter, c’est l’heure des jeux, des danses et des chants : cela dure jusqu’au souper. Après le souper vient l’heure de la lecture. Mais pas la lecture des livres de contes. Non, cette lecture là est la plus importante, et c’est le Père Noël lui-même qui s’en charge : il s’agit de lire aux jouets attentifs les lettres que les enfants lui ont envoyées. Il y en a beaucoup. Des tonnes, des kilomètres de lettres. Mais le Père Noël les lit toutes : cela fait partie de la fête. C’est même le centre des festivités. Il s’agit de montrer aux jouets combien ils ont été désirés par leurs futurs amis et combien ils sont attendus. Alors, le cœur de chaque jouet, lorsqu’il écoute une lettre qui lui est adressée, s’emplit d’allégresse, et il sait qu’il n’est pas là pour rien. Il sait qu’au contraire, toute la magie et toute la joie d’une fête comme celle de Noël, c’est lui qui l’apporte dans le cœur de l’enfant à qui il est destiné. Quel rôle peut être plus important que celui-là ?

 

Forts de ces révélations, les jouets sortent parés de la maison du Père Noël, le vingt-quatre Décembre : ils savent parfaitement quelle est leur mission, pourquoi ils doivent l’accomplir et quelle en est l’origine. Alors, la nuit de Noël, ce sont eux les plus heureux…

 

C’est ainsi que la tradition du grand goûter de Noël se perpétue d’année en année… et ce n’est pas près de se terminer !

 

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2 décembre 2011 5 02 /12 /décembre /2011 14:10

Je ne pensais pas écrire un article ce soir, mais finalement je pense que c'est important que j'écrive celui-ci. Aujourd'hui, une personne de mon (très) proche entourage, je ne dirai pas qui, m'a fait la lecture de ses poèmes. J'ai passé un moment unique, mais tout d'abord je dois préciser que cette personne est la seule qui s'intéresse à ce blog et, d'une manière générale, à ce que j'écris, et je l'en remercie du fond du coeur. C'est un peu pour elle que j'écris cet article. Elle qui pense m'ennuyer avec sa poésie et qui a peur parfois que je ne comprenne pas pourquoi elle l'écrit de cette manière là, ou que sais-je encore ! Elle ne sait pas que, quand j'écoute ses poèmes, je voyage dans son univers et donc je vis une histoire : la sienne. Et, comme toutes les histoires mais à plus forte raison parce qu'elle est la sienne, son histoire m'intéresse, voire me passionne, mais dans tous les cas elle me donne à réfléchir. Oui mais, mon drame à moi, c'est que ça, je ne sais pas l'exprimer à voix haute. Les mots me viennent plus facilement quand ils passent par mes mains, c'est ainsi, et peut-être que c'est héréditaire ? Peu importe en fait.

 

Je me rends compte de certaines choses... notamment de la solitude de celui qui écrit lorsqu'il est en train d'écrire, mais aussi de la passion qui l'habite, du voyage qu'il effectue en lui-même ou ailleurs quand il cherche les mots pour s'exprimer. C'est un peu confus, mais l'idée est là. L'écriture, qu'elle soit poétique ou autre, est à la fois simple et complexe, je pense. Cela dépend des moments : parfois les mots vont venir tout seuls, presque sans qu'on ait à s'en préoccuper, et parfois il faut se livrer à une introspection, en tout cas à une recherche pour traduire le fond de sa pensée. Mais, lorsqu'on écrit, on est seul et à la fois jamais seul (bien trop occupé à penser à ce qu'on est en train de faire pour se soucier du monde !). Et puis écrire, c'est aussi partager, s'ouvrir aux autres. Et lire, c'est une manière de connaître l'autre, de s'en rapprocher à travers ses textes, ses poèmes ou ses romans. En fait, comme dit Stephen King (et je ne sais même plus si je l'ai déjà cité dans ce blog) : "L'écriture, c'est de la télépathie." C'est vrai. C'est prendre une image, la mettre sur du papier, et ainsi la faire passer (le plus fidèlement possible, et c'est là toute la difficulté) dans la tête du lecteur. En fait, le dessin aussi c'est de la télépathie, en tout cas le dessin d'imagination, mais c'est une autre affaire.

 

En ce moment, j'ai la tête pleine de tout un tas de choses (et surtout de mon roman en fait), et je me demande parfois pourquoi on écrit, pourquoi j'écris ? Je ne me pose que très rarement la question, mais je me la suis déjà posée. Ce soir, j'aimerais comparer un peu la poésie, justement, pour en revenir à la personne qui m'est chère et dont je parlais tout au début, avec l'écriture d'un roman. Si j'écris des histoires et non de la poésie, je pense que ce n'est pas pour rien. Je n'ai aucune idée de comment on fait pour écrire un poème. Je n'en ai jamais écrit, sauf une fois en devoir pour l'école, et je n'essaye jamais d'en écrire. Sais pas faire. Cela ne me vient pas à l'esprit, c'est tout, je n'ai pas une âme de poète. Mais, s'il est plus naturel pour moi d'écrire des histoires, c'est peut-être aussi dû à mon caractère. D'une manière générale, je suis introvertie et j'ai de la peine à montrer ce que je ressens, enfin à l'exprimer par des mots en tout cas. Je ne suis pas très démonstrative. A l'oral, je peine à trouver mes mots, et parfois je suis complètement à côté de la plaque quand il s'agit d'expliquer quelque chose que pourtant j'ai l'impression d'avoir bien en tête. Je ne sais pas pourquoi, c'est comme ça. Mais justement, la poésie, d'une certaine façon, c'est exprimer ce que l'on ressent, c'est faire sortir ce qu'on a au fond de soi, c'est se mettre à nu, de façon entièrement délibérée ou non. Du moins, c'est comme ça que je pense l'avoir compris. Je trouve qu'écrire de la poésie, c'est être plus "honnête" avec soi-même et les autres que quand on écrit des histoires. Dans les poèmes, pas de personnages, pas de faux noms, pas de personnalité inventée. C'est le poète face à sa feuille (ou à son écran, à l'heure actuelle), tout seul, bel et bien seul. Je ne sais pas si on voit de quoi je veux parler. Bref, un poète n'a que les mots et le fond de son âme pour s'exprimer. C'est plus "cru" que pour un roman. Un poète n'a pas "peur" de se voir lui seul, et de se "décrire" (des fois il n'a pas le choix, sans doute, je ne sais pas). En gros, le poète est face-à-face avec lui-même, et il l'assume. Il n'a peut-être pas d'autre choix que de l'assumer, mais il l'assume.

 

Je ne sais pas s'il en est de même pour quelqu'un qui écrit un roman. Dans les romans, on montre une partie de soi, ça c'est sûr et certain, quoi qu'on en dise. Après, je ne sais pas si la question de "caractère" dont je parlais plus haut est justifiée... Pardon d'être un peu confuse, mais à la seconde où j'écris je suis face à moi-même. Je n'ai pas mes personnages, et donc c'est plus difficile pour moi d'écrire. C'est ça que je voulais montrer. Les personnages sont une compagnie, ils sont les petits "autres" qui nous cachent à nous-même. C'est plus facile de s'exprimer à travers eux, et puis c'est passionnant de développer leur personnalité, de les rendre uniques pour oublier d'où il viennent... De nous. Je me sens un peu triste d'écrire ça, mais je pense que c'est la réalité, et pour un moment j'arrête de me voiler la face. Même si, d'un autre côté, je sais que mon roman me révélera bien plus de choses que je n'en ai conscience pour l'instant.

 

En fait, je crois que ces deux moyens d'écriture, d'expression, la poésie et les histoires (aussi bien romans que nouvelles ou récits), sont des moyens qui se valent l'un l'autre. La finalité est la même, seuls les chemins diffèrent. La poésie est plus directe (en apparence du moins, je trouve, je répète que je n'y connais rien - je suis donc gonflée d'en parler dans un article, mais ça fait rien), tandis que les histoires usent de moyens détournés pour nous révéler à nous-mêmes. Après, je ne sais pas si les poètes souffrent plus ou moins que les écrivains... franchement, je ne sais même pas pourquoi je soulève la question, ce n'est pas à moi d'en juger. En tout cas, je ne cherche pas à dire, en aucun cas, que l'écriture symbolise une souffrance. Au contraire ! L'écriture, c'est la liberté, c'est l'évasion, c'est le rêve, c'est la passion aussi, bref c'est la vie. On peut écrire des monuments de tristesse et en être très heureux, même sur le moment. Cela parait fou peut-être, mais c'est ça, je pense. Cela peut-être une forme d'exorcisme, mais une forme joyeuse. La seule difficulté, en écriture, c'est de trouver les mots justes.

 

Voilà, je vais arrêter là cet article. C'était vite écrit, mine de rien, et un moyen pour moi de réfléchir à ces choses et de me mettre les idées en ordre, et enfin de rendre hommage, aussi, à cette personne dont j'ai parlé. Je m'en veux de le faire si mal, car il y aurait tant de choses à dire, à écrire... Même l'écriture ne me permet pas toujours de m'exprimer correctement, preuve que j'ai encore des efforts à fournir. J'ai voulu te dire, en tout cas, que ta poésie me fait voyager, qu'elle est vivante, qu'elle m'intéresse et que je comprends à quel point elle est importante pour toi. Entre personnes qui écrivent, même si je suis novice, on est plus à même de se comprendre que certains. Alors ne t'inquiètes pas, n'aies pas peur d'être incomprise car je comprends beaucoup de choses. Ma difficulté, c'est d'arriver à le montrer. Moi-même, je me perds dans tout ce que j'ai dans la tête, alors une personne extérieure à moi-même ne peut pas deviner, je sais bien... Mais je commence à m'extérioriser (grâce l'écriture), à comprendre mieux certaines choses, je n'ose pas dire la vie, mais peut-être quand même un peu, mais aussi les gens de mon entourage, et donc toi, et peut-être moi-même de plus en plus. Enfin, ça, on verra avec le temps. Avec le temps on a toujours le temps, hein !

 

Voilà, j'ai écrit cet article hier soir et en le relisant ce matin je trouve qu'il est très confus... En tout cas pour le lecteur, il sera sûrement confus, mais pour moi ça va, je me suis comprise. Seulement je pourrais développer beaucoup plus, mais je n'ai pas le courage de le faire... L'essentiel pour moi est d'avoir pu adresser un message à ce poète de mon entourage, et si cela a pu lui apporter quelque chose, notamment de la joie, c'est tout ce qui compte pour moi. L'écriture est un vaste sujet et je n'ai ni assez de mots ni assez de temps pour m'y arrêter davantage, du moins pour cette fois.

 

Sur ce, à la prochaine !

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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 21:06

Bonsoir lecteur !

 

Alors voilà, je suis de retour avec un petit écrit qui m'a donné bien du fil à retordre, il figure dans l'article qui suit : Le cri d'un silence

Je l'ai commencé il y a deux semaines et il m'a pris du temps. Je le présente rapidement dans un article isolé, parce que dans l'autre j'avais peur de ne pas avoir la place. Bref. Je ne sais pas ce qui m'a motivé à écrire ce récit... de n'est déjà pas mon exprérience personnelle, c'est certain ! En fait j'ai choisi un sujet sur lequel je n'ai aucune expérience, donc il était assez délicat à traiter pour moi. Pourquoi ai-je écrit ça ? Mystère et boule de gomme, je ne sais pas moi-même où je veux en venir (si ça c'est pas dramatique !), mais j'avais envie de l'écrire. Faut pas trop que je cherche à comprendre.
Toujours est-il que c'était difficile à écrire, pourtant le sujet est simple. Qu'est-ce qui a rendu l'expérience compliquée ? Déjà, les temps que j'ai utilisés. J'ai mêlé le présent et le passé, c'est exprès, mais je me suis rendue compte que c'était dur à gérer. Aussi, le fait de devoir cerner aussi rapidement la personnalité des personnages, tout en ayant le point de vue d'un seul... j'ai découvert pas mal de choses au fur à mesure, c'était un peu au feeling. Aussi j'ai peur d'avoir été un peu maladroite. Je ne suis pas entièrement satisfaite. Je ne sais pas si le sujet est bien traité, j'ai peur aussi d'avoir véhiculé des idées un peu trop clichées, alors que ce n'était pas mon but. Mais après, ça, c'est au lecteur de l'interpréter comme il veut, à la limite.

Ce qui me cause le plus de soucis, c'est la fin. J'ai eu beau relire et réfléchir sur la dernière phrase, je n'ai jamais trouvé une manière plus satisfaisante d'amener la "chute", si on peut appeler ça une chute ! Donc voilà, de guerre lasse, je me suis décidée à donner ce récit à lire... Je ne suis pas sûre de moi pour celui-ci donc, ça m'embête un peu. Mais j'attend vos avis, si vous en avez : le partage sert aussi à progresser !

 

Voilà, ma "présentation" étant terminée (je devrais plutôt dire ma mise en garde), je vous souhaite une bonne lecture et une bonne soirée.

 

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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 21:00

 

 

  Le cri d’un silence

 

Bernard Léger, dont le nom contraste avec la masse imposante de sa personne, bien calé dans sa vieille chaise en bois au siège jadis rembouré de mousse ; désormais impalpable d’avoir été tant écrasée ; éprouve toutes les peines du monde à avaler son potage. Il a pourtant bon appétit, d’ordinaire. Cependant, ce soir, il demeure tout saisi, tout figé, incapable d’avaler une cuillerée. Bernard est un homme de soixante ans. Comme d’habitude, il dîne avec sa femme, Jeanne, qui a son âge. Elle, mange tranquillement. Tout est parfaitement normal. Il ne se passe rien d’extraordinaire. Pourtant, Bernard est tout bouleversé. Un sentiment de malaise affreux vient lui comprimer la poitrine. Il manque d’air. Il n’est pas bien, pas bien du tout. Pour la première fois depuis quarante ans, il entend le silence.
                C’est le silence… absolument rien d’autre que le silence, qui le met dans cet état. Et voilà qu’il se demande soudainement comment il a fait, pendant toutes ces années, pour rester sourd à quelque-chose d’aussi criant ? Il ne sait pas pourquoi cela lui prend d’un coup. Il est affolé. Il a la cruelle impression de s’être réveillé à son propre insu, oreilles aux aguets, grandes ouvertes, béantes sur rien. L’angoisse monte en lui peu à peu et il voudrait faire cesser tout cela en se mettant à hurler, mais voilà qu’une boule se forme dans sa gorge, l’empêchant d’avaler jusqu’à sa propre salive et d’ouvrir la bouche.
                Jeanne ne se rend compte de rien. Il la regarde, comme spectateur d’une vie qui ne serait pas la sienne, comme face à une télé dont on aurait coupé le son. Elle mange sans rien dire, exactement comme d’habitude, pourtant. Mais à l’instant cela lui est insupportable. Pourquoi ne lui parle-t-elle pas ? Pourquoi semble-t-elle tellement insensible à sa présence ? Bernard est effaré par ses propres questions. Pourquoi quelque chose d’aussi habituel que l’indifférence de son épouse à son égard le choque-t-elle tant, précisément ce soir ? Il ne comprend pas, se figure qu’il a le délire. Il tente de se reprendre, de maîtriser son esprit en dérive. Il se dit, pour se rassurer, qu’il a le ventre vide et que la faim doit lui donner des vertiges. Il baisse les yeux sur son potage et, fâché par l’idée qu’il va refroidir bien vite, à ce rythme là, en avale goulument plusieurs cuillerées, pour se rattraper.
                Il lui faut plusieurs minutes pour retrouver son calme, pour se dire qu’il est bien idiot de s’affoler comme ça, pour rien. Après quoi, il se met à s’interroger sur la provenance de son malaise. Il sait que cela a un rapport avec son couple. Il plonge dans ses souvenirs.
               

Jeanne et lui se sont connus quarante ans plus tôt, à l’occasion d’une fête donnée en l’honneur de l’anniversaire d’un ami de l’un des amis de Bernard. Il avait vingt ans à l’époque. Il aimait faire des femmes et la bringue avec ses copains. Il avait toujours été un bon vivant et, pendant longtemps, il s’était trouvé charmant. Et, effectivement, il charmait son entourage avec une grande facilité. Non pas qu’il fut d’une beauté ravageuse, quoiqu’il se trouvait très bien ; du moins avant de prendre du poids ; mais c’était en lui, c’était comme ça. Tout le monde l’aimait bien, et c’est vrai qu’il aimait bien tout le monde. Durant les fêtes, comme à l’occasion de cet anniversaire-là, il aimait rassembler les gens autour de lui. Il ne se le cachait d’ailleurs pas : il aimait que l’on l’admirât lorsqu’il se distinguait de telle ou telle manière, que l’on rît à chacune de ses blagues et que l’on souffre de ses mésaventures. Il avait constamment besoin d’attirer l’attention sur lui, et il l’attirait en effet.
                Cependant, ce jour-là, Jeanne, qu’il n’avait encore jamais vue, était restée un peu en retrait. C’était une petite personne chétive et très réservée, qui pourtant ne semblait pas, à l’époque, indifférente à son charme. C’est alors qu’elle lui plut, comme un défi à relever. Elle se laissa séduire sans trop de peine et, pour une raison qu’il ne parvint jamais vraiment à saisir, ce fut elle qu’il épousa.
                S’en suivit une vie de couple tout à fait tranquille. Peut-être un peu trop. Son ménage demeura sans enfants, sans qu’il sut jamais d’où venait le problème, si problème il y avait. La conquête de Jeanne faite, elle cessa rapidement de l’intéresser. Oh ! Il ne la maltraita pas, jamais ! Mais il la trompa. Beaucoup. A tout bout de champs, avec n’importe qui. Il n’avait pas voulu mal faire, ni faire de la peine à sa femme. Seulement, il avait besoin de plaire à quelqu’un, toujours, et Jeanne avait rapidement cessé de se montrer amoureuse. Elle ne s’était pas avérée aussi démonstrative qu’il l’aurait voulu. Elle ne le flattait guère, alors qu’il aimait ça. D’ailleurs elle ne lui parlait guère non plus, n’étant pas d’un naturel très communicatif. Bien sûr, ce n’était pas de sa faute. Bien sûr, elle l’aimait, à sa manière. Mais cela ne faisait rien. Cette façon d’aimer ne convenait pas à un homme comme Bernard, alors il s’en allait voir ailleurs. Avec ses maîtresses, son bonheur était sans cesse renouvelé. Et pour cause ! Dès qu’il sentait qu’il plaisait un peu moins à une, il allait s’en chercher une autre. Alors, forcément, elles furent nombreuses. Bernard n’était pas fait pour les relations durables. Il aimait que son bonheur fût entier et constant. Et, dans les relations humaines, c’est une chose impossible, à moins d’être sans cesse renouvelée. C’était cela que Bernard avait bien compris, et il s’en tenait donc à cette doctrine : le renouvellement. Bien sûr, il fallait de la veine – ou du savoir-faire – pour être heureux à chaque fois, à chaque rencontre, à chaque liaison. Mais Bernard sut en tirer son parti, ainsi il trouva toujours son bonheur de manière différente et pour un laps de temps plus ou moins long.
                Jeanne, si elle se rendait compte de quelque chose, le cachait bien. Elle se montrait toujours sous le même jour, toujours égale à elle-même dans sa lassitude. Mais Bernard ne s’était jamais soucié de ce que cette lassitude grandissait au fil des ans. C’est ainsi qu’il n’éprouva pas de remords, au cours de son mariage et de ses aventures. D’ailleurs Jeanne et lui ne s’étaient jamais vraiment disputés. Peut-être les disputes n’existent-elles qu’entre gens qui s’aiment et, dans ce cas, Bernard et Jeanne ne se sont jamais vraiment aimés. Simplement, ils se sont habitués l’un à l’autre, à leurs présences respectives, sans même avoir besoin de se voir. Un peu comme deux chevaux amis paissent dans le même pré, la même herbe, sans faire mine de se remarquer l’un, l’autre, et sans pourtant jamais se rentrer dedans.
                Bernard n’a donc jamais éprouvé de remords, il ne connait pas la culpabilité.

 

Et pourtant ce soir son potage lui reste en travers de la gorge. Jeanne mange toujours à la même allure, lentement, posément. Elle s’en fiche. A présent il la regarde avaler sa soupe avec beaucoup de pitié. Il se figure même qu’elle est malheureuse de la manger, cette foutue soupe. Il en a les larmes aux yeux. De la pitié. Voilà tout ce qu’il parvient à éprouver pour cette femme qui a passé quarante longues années avec lui, qui a partagé sa maison, sa table, son canapé et son lit sans jamais partir. Elle ne peut pas ne se douter de rien, tout de même ! Pourquoi donc est-elle restée malgré tout ? Voilà ce qu’il se demande. Il se demande également pour la première fois à quoi elle pense. Qu’est-ce qu’il y a, que peut-il bien y avoir dans cette vieille tête ? Il constate avec effroi combien elle a vieilli. Cela non plus, il ne l’avait pas remarqué. Elle est toute déséchée, brunie, ridée par le soleil et par les neiges. Elle laisse pousser ses cheveux gris et les attache en un chignon bas ; quelques cheveux rebelles frisent à la base des racines qui entourent son front. Ils ont perdu tout leur éclat, semblent ensevelis sous la poussière comme n’importe quel vieil objet qu’on a laissé trainé trop longtemps sans y toucher. Elle mange sans plaisir, cela se voit. D’ailleurs il est évident qu’elle accomplit chaque geste par habitude. Ce n’est même pas un réflexe de survie qui la pousse à se nourrir. C’est l’habitude. Bernard le sent bien. Alors, si elle est restée avec lui, ils se dit que c’est peut-être bien, aussi, par habitude.
                A la regarder comme ça, il n’arrive même pas à se figurer qu’elle ait pu avoir un amant, le tromper en retour. D’ailleurs Jeanne n’est pas du genre à se venger. Toute méchanceté lui est étrangère. Cela, il en est sûr. Il estime la connaître assez pour le savoir. Mais tout de même, si cela lui était passé par la tête… Non. La question n’est pas, pour Bernard, de savoir si sa femme a un jour eu l’idée de le tromper ou non. La question est d’imaginer un autre homme la désirer… et il n’y parvient pas. Vraiment, il ne voit pas qui, dans son entourage, parmi ses voisins et même les autres, aurait pu avoir envie de sa femme. Ce n’est pas la méchanceté qui le pousse à penser de cette manière. Bernard n’est pas de ces hommes-là, qui méprisent leurs femmes une fois qu’elles sont un peu défraîchies. Non. Il est peut-être un traître, mais il n’est pas mauvais. Il ne pense pas être naïf non plus. Il se croit réaliste. Et la réalité est que, non, Jeanne n’a pu attirer personne. Comment le contraire aurait-il pu être possible ? Déjà avec lui, son mari, elle s’était montrée si prude ! Et même froide, bien souvent. En toute honnêteté, il n’est pas étonnant qu’il soit allé voir ailleurs. Mais elle, non, c’est impossible. Jeanne ne s’intéresse pas aux hommes. Elle ne s’intéresse même pas à lui, alors !
                « Mais alors, pourquoi suis-je resté, moi aussi ? », se demande Bernard, se remettant en question. Même sans divorcer, car il était trop lâche pour cela (comme beaucoup d’hommes, Bernard pouvait tromper sa femme, mais pas lui demander le divorce), comme il lui aurait été facile de la quitter ! C’est bien simple, les occasions n’ont cessé de se présenter. Il n’avait que l’embarras du choix. Il aurait pu laisser Jeanne et s’installer avec une autre, autre part. Vivre avec une femme qui s’intéressait à lui, qui aurait fait de lui son centre d’intérêt. Et c’est seulement maintenant qu’il y songe. Comment une chose aussi évidente ne lui est-elle jamais venue à l’esprit auparavant ? Voilà qui est curieux. Bernard en oublie de saucer son assiette et reste en suspens. Pourquoi diable n’y a-t-il pas songé ? Pourquoi être resté pendant quarante ans avec une femme aussi frigide, indifférente et silencieuse que Jeanne ? Pourquoi ? Pourquoi en arriver là aujourd’hui, en arriver à ne la regarder qu’avec pitié ? Pourquoi cette femme qui ne savait ni l’aimer, ni lui parler, ni même constater simplement sa présence ? Pourquoi elle et pas une autre ?
                Voilà que Bernard se sent à nouveau mal à l’aise. De nouveau, il a de la peine à respirer. En plus, il transpire. Son marcel, sous sa chemise, lui colle à la peau. C’est comme ça à chaque repas. Il s’en veut d’être devenu si gros. Etre assis à table est devenu bien pénible. Il se voit contraint de se pencher exagérément pour avaler une cuillerée sans s’en mettre partout, à cause de son gros ventre qui l’éloigne de la table. La graisse semble avoir pris possession de lui jusqu’à ses poumons. Même au repos, il respire comme en plein effort. Il en devient bruyant : son nez émet une sorte de sifflement à chaque inspiration, c’est agaçant. Oui, depuis quelques années, il se sent diminuer. Il n’est plus très fringant. La moindre activité physique le fatigue et le fait suer. Il éprouve des difficultés jusque dans le laçage de ses chaussures. D’ailleurs il n’est plus fait pour les longues marches. Il ne sort pour ainsi dire presque plus. C’est Jeanne qui va faire les courses : elle est restée chétive et surtout active jusqu’au bout. Elle lui rend bien service. Sans elle, il n’en mènerait pas large. Ce n’est pourtant pas une raison pour rester avec elle. Toutes ces choses sont d’ailleurs devenues tellement automatiques qu’il ne s’en apperçoit même pas. Pourtant, à bien y réfléchir, aujourd’hui, il ne voit pas une autre femme à la place de Jeanne pour remplir tous ces rôles auprès de lui. Il est même bien probable qu’aucune de ses maîtresses n’aurait eu envie de le servir de cette manière là. Il ne s’est jamais posé la question, pour cause : ce n’est pas à la vie domestique qu’une maîtresse sert, autrement, cela se saurait !
                Et puis, honnêtement… l’idée d’une autre femme à la place de Jeanne, comme ça, tous les jours, cela le met mal à l’aise. Elle l’aurait vu diminuer. De Don Juan, elle l’aurait vu passer à tas de graisse ambulant. Aurait-elle accepté cette image de lui ? Peut-être que oui, peut-être que non, là n’est pas la question, encore une fois. La question est que lui, Bernard, ne l’aurait jamais accepté. L’on doit plaire à une maîtresse. Et lui, Bernard Léger, lui qui aimait tellement plaire… n’aurait pu supporter de déplaire un jour. D’une femme en extase devant lui, passer à une mégère qui lui aurait fait des réflexions désobligeantes sur son poids ? Qui l’aurait regardé de haut ? Lui aurait reproché d’être trop bruyant, trop lent, trop ceci, trop cela ? Car c’est cela qu’il voit, lorsqu’il imagine une autre femme à la place de Jeanne. Pourquoi ? Il n’en sait rien. Mais il est sûr qu’il n’aurait pu en être autrement. En fait, l’indifférence de Jeanne l’arrange bien. Jamais elle ne lui fait le moindre reproche. S’il se sent diminué, c’est pour lui-même, et non face à elle. Ç’aurait été une humiliation qu’il n’aurait pu supporter. Avec Jeanne, il se fiche bien de ne pas être au top. Elle n’a jamais rien exigé de lui. Elle se moquait même de lui plaire, qu’il la regarde ou pas, qu’il la désire ou pas, qu’il l’aime ou pas. Alors, forcément, elle ne lui a jamais rien demandé en retour. Puisqu’elle s’en fiche. En vérité, il est bien tranquille, avec Jeanne. Du moins pour ses vieux jours.
              Et d’une manière générale ? N’avait-il vraiment jamais eu besoin d’elle pour être heureux ? Voilà la question qu’il se pose à présent, en prenant son yaourt. Car, certes, il a été heureux avec d’autres, mais avec elle, il n’a pas de souvenir flagrant d’un grand bonheur… ni même d’un bonheur tout court. Cela l’effraye. Ses grandes joies, ses joies tout court même, ce n’est jamais avec elle qu’il les a partagées – à part au tout début, bien sûr. C’est peut-être un peu normal, pour quelqu’un qui ne croit pas au bonheur de longue durée. Il a pour preuves ses expériences adultères. Cela n’a jamais duré plus de quelques mois. Il n’aurait jamais pu être heureux de manière quotidienne, avec aucune de ses maîtresses. Elles étaient toutes, comme lui, des créatures passionnées. Et la passion, c’est bien connu, finit toujours par faire mal. Il arrêtait tout avant que cela pût être le cas. Voilà pourquoi il n’avait jamais expérimenté une vraie vie de couple avec quelqu’un d’autre qu’avec Jeanne : cela aurait forcément mal fini. Quand il y pense, maintenant, l’idée d’une vie de couple avec une maîtresse ne lui parait pas naturel. Les aventures sont les aventures, mais le quotidien, c’est Jeanne. Pendant toutes ces années chaque chose est restée à sa place. Bernard trouve que c’est très bien ainsi, et il retrouve un peu le moral.

 

Il se redresse sur sa chaise, son repas terminé, et s’essuie la bouche avec sa serviette en regardant Jeanne donner son pot de yaourt à lécher au chien, comme à son habitude. Elle lui parle toujours gentiment, à cet animal. Elle semble bien l’aimer. En fait, elle n’agit pas différemment avec lui. Elle sait qu’elle a été trompée, c’est certain. Elle ne peut pas se voiler la face. Surtout pas maintenant que cela n’a plus d’importance. D’ailleurs, avec qui la tromperait-il ? Plus personne ne s’intéresse à lui depuis belle lurette ! Depuis qu’il a tant grossi, il a honte. C’est surtout pour cela qu’il ne sort plus. Quelle image les gens auraient-ils de lui ? Au mieux, ils le verraient comme un bon gros pépé. En effet, qui s’occupait de se demander ce que cela lui faisait, à lui, d’être vu de cette manière ? Personne. Tout le monde le trouverait normal, s’il se montrait dans la rue. Il a cessé de se distinguer : des comme lui, il y en a à la pelle. Qui peut se figurer qu’il peut avoir honte de son état ? Qui se souçie des états d’âmes, de la coquetterie d’un vieux monsieur ? La coquetterie des dames est bien ancrée dans les esprits. Il est normal qu’une femme n’ait pas envie de vieillir, de grossir, d’avoir des cheveux blancs, des rides… mais un homme doit s’en foutre. C’est dans l’ordre des choses. Bernard sait bien que personne ne pourrait comprendre qu’il souffre de son embonpoint de manière bien plus psychologique que physique, et qu’il est difficile pour lui d’admettre qu’il est désormais chauve. S’il disait tout cela au monde, le monde lui rirait au nez. Il préfère ne pas sortir, ne pas faire le fier. Il sait que ce n’est pas Jeanne qui lui posera des questions. Elle ne lui en veut pas plus de son embonpoint que de sa calvitie, de ne jamais sortir non plus que de l’avoir trompée.
                Car, même si Jeanne a assurément conscience d’avoir été trahie, il n’y a aucune rancune en elle. Les crises de jalousie, avec elle, il ne connait pas. Elle n’a pas plus fait de scènes à lui à chaque fois qu’il a découché, qu’au chien à chaque fois qu’il a pissé ou vomi sur le tapis du salon. Et pourtant, elle a l’air de bien aimer cette bête qu’elle ne regarde pas plus que lui. Sans doute l’aime-t-elle également, à sa manière à elle. Bernard se rend compte que l’amour que Jeanne éprouve ou non pour lui l’inquiète bien plus qu’il ne se le laisse dire. Dans tous les cas, elle l’a respecté bien plus qu’il ne l’a jamais fait. Combien de femmes peuvent se vanter de cela, seulement de cela ? De toutes les femmes qu’a connues Bernard Léger, c’est bien celle-là la plus compréhensive, la plus indulgente, bref la moins gênante. Avec une autre, qu’aurait été sa vie ? L’adultère n’aurait pu être envisageable sans jalousies, sans cris, sans pleurs, sans coups, sans haine. Dans ces conditions, quel bonheur aurait-il pu trouver ? Jeanne l’avait laissé en paix aux moments où une autre lui aurait fait vivre l’enfer. Peut-être n’avait-elle pas provoqué son bonheur, mais elle y avait grandement contribué. Elle l’avait laissé vivre. Elle l’avait laissé libre. Et, au fond, c’était là son plus grand bonheur. Elle l’avait peut-être compris. Ce qu’il prenait pour de l’indifférence pouvait bien être, en réalité, de l’amour de sa part. D’une certaine manière, Jeanne avait sacrifié sa propre liberté pour qu’il puisse avoir la sienne. Non pas qu’elle en ait souffert, non, il ne le croyait pas. Elle n’avait jamais eu besoin de cette liberté là. Mais elle s’était engagée pour la vie avec un homme comme lui. C’était un risque qu’elle avait pris, qu’elle en eût conscience ou pas. Ce n’était pas cela l’important. L’important était qu’elle ait été capable de vivre ainsi pendant quarante ans, sans changer de comportement avec lui. Certes, elle paraissait lassée et indifférente, mais à bien y réfléchir elle avait toujours été ainsi. C’était en elle, comme le besoin de plaire était en Bernard.
              Pour d’autres, l’attitude de Jeanne peut ressembler à de la résignation, ou bien de la lâcheté, ou bien du masochisme. Pour Bernard, cela relève de l’héroïsme. Tout est clair pour lui, maintenant. S’il est resté avec elle, c’est parce qu’elle était la seule qui pouvait lui permettre d’être heureux. Il la regarde d’une toute autre façon, à présent. Il ne ressent plus de pitié, mais beaucoup d’attendrissement, de reconnaissance pour cette femme. Il sait qu’il lui doit tout. Surtout des excuses. C’est même terrible. Il n’est qu’un minable. Jeanne, elle, n’a rien à se reprocher. Elle est blanche comme neige. Et dire que cinq minutes plus tôt, il lui en voulait pour son indifférence ! Il lui en avait voulu pour quelque chose qui lui avait été si utile et, qu’au fond, il méritait ! C’est bien un comble. L’indifférence de Jeanne n’avait jamais été pour lui, en réalité, une excuse pour la tromper. Il ne l’avait pas trompée parce qu’elle était ainsi avec lui, mais bien parce qu’il était comme ça. Le problème, dans l’histoire, ce n’était pas elle, mais lui seul. Il était facile de se débarrasser de toute responsabilité et de rejeter la faute sur elle, trop facile et injuste. Bernard ne veut pas être injuste. La vérité lui est désormais aussi criante que le silence de tout à l’heure. Il ne lui en veut plus de ne pas lui faire la conversation. Tout d’abord, il ne pense plus le mériter. Et puis, ensuite, Jeanne a-t-elle eu un jour d’autre choix que celui de se taire ? Certes, non. Il lui aurait suffi d’ouvrir la bouche une fois, une seule, pour provoquer son départ et ainsi le perdre pour toujours. Peut-être en avait-elle eu conscience. Peut-être même n’avait-elle pas eu envie de le perdre. Car, malgré tout, il est son compagnon. Un compagnon dont la légèreté l’a condamnée à un silence pesant.
Ce silence, ce n’est pas à Jeanne de le rompre, contrairement à ce que Bernard avait cru. C’est à lui-même de le faire. Mais comment, après quarante ans ? Il a une soudaine et oppressante envie de s’excuser, mais il ne parvient pas à déserrer les mâchoires. Quelque chose l’en empêche, consciemment. Le fait de se dire qu’elle ne va pas trouver ça normal. Et puis, diable ! Il est facile de s’excuser maintenant que tout danger est écarté ! Jeanne n’est pas idiote. Elle sait très bien que s’il ne sort plus, c’est parce qu’il a perdu confiance en lui. Que va-t-elle croire, s’il s’excuse maintenant ? Qu’il se raccroche à elle maintenant qu’il n’a plus le choix ? Elle va croire qu’elle est la cinquième roue de la charrette, et c’est tout ! Elle va se sentir rabaissée. S’il s’excuse maintenant, en réalité, il sait bien qu’elle ne lui donnera aucun crédit. Pis, il risque de lui faire du mal… et voilà tout ce qu’il aura gagné à faire ce noble geste. Bernard se désespère, réalisant qu’il est trop tard pour prendre une telle initiative. La vérité, c’est qu’il est dans l’impasse, et qu’il s’y est mis tout seul. Mais sa plus grande punition est de voir sa femme en subir également les conséquences. Elle ne dit jamais rien, mais cela ne l’empêche peut-être pas d’avoir mal.
Bernard se rappelle d’ailleurs, sans savoir pourquoi, des lapins que son grand-père élevait en clapiers. Ces petites bêtes silencieuses ne se mettaient à crier que lors de douleurs insupportables. Le reste du temps, lorsqu’il allait les voir, Bernard les trouvait bien monotones et inintéressantes, à grignoter leur mourron avec leurs grands yeux bêtes. Il leur préférait de loin les chiens et les chats. Un jour, le chat de la maison avait réussi à se saisir d’un lapereau qui avait dû s’échapper, on ne savait comment. Il s’était installé sur un muret avec son butin. Par curiosité, Bernard s’était approché pour voir de quoi il s’agissait. L’image du chat plantant ses crocs dans le cou du lapin glapissant de douleur lui revient en tête. Il s’était sauvé en courrant après avoir assisté à cette scène – il était encore gamin.
Il n’y a à priori aucun lien entre cette histoire de lapin et Jeanne. Cette scène lui est venue en tête en désespoir de cause, et n’a fait qu’augmenter son désespoir, justement. Il se trouve bien imbécile de penser à ces futilités, au lieu de chercher une solution à son problème ! Jeanne n’est tout de même pas un lapin ! Et c’est peut-être là tout son malheur, à bien y réfléchir. Car il est plus que probable qu’elle ne se mettra jamais à glapir. Sa douleur, si elle existe ; et Bernard est convaincu qu’elle existe ; est d’une toute autre ampleur. Il parvient même à se la représenter : c’est une douleur sourde et continue, qui prend possession totale de son hôte et le ronge jusqu’au fond du cœur et de l’âme. Elle rend impuissant. C’est cela qui est terrible. Jeanne ne peut y remédier. Mais lui ?
Voilà que le fardeau de la culpabilité, qui l’a épargné pendant quarante ans, lui atterrit soudain sur les épaules. C’est cela qui, depuis tout à l’heure, l’empêche de respirer. Quarante ans de culpabilité, c’est bien écrasant pour un homme de soixante ans qui croule déjà sous la graisse. Et voilà qu’il ne peut rien faire pour s’en débarrasser, les excuses étant désormais bien inutiles. Il est trop tard. Trop tard. Trop tard. Ces deux mots cognent dans la tête de Bernard au rythme de son cœur. Ils lui frappent la poitrine, le dos, les poignets, les tempes.
Il ne peut pourtant se résoudre à se taire. Il veut dire quelque chose à Jeanne, vite ! Au moins pour se soulager lui-même. Mais que dire ? Que dire ? La vérité, elle ne l’ignore pas. Il faudrait lui dire quelque chose qu’elle ignore, mais qui puisse être vraisemblable. C’est sans doute cela qu’elle a besoin d’entendre, la pauvre Jeanne. Oui, c’est cela.
Voilà qu’elle se lève pour débarrasser la table. Bernard retient son souffle. Il a la phrase au bord des lèvres, mais il s’impose quelque chose de stupide et de pénible : attendre le moment propice. Il sait que, pour une phrase comme celle-là, tous les moments se valent, mais il ne peut s’empêcher d’attendre. Il se laisse le choix. Ce sera cette seconde là ou bien la suivante. Jeanne vient à lui pour lui enlever son assiette : c’est ce moment là qu’il choisit. Il retient la vieille, petite main qui était sur le point de s’en aller comme elle était venue. Jeanne le regarde l’air grandement surpris, comme si elle le voyait pour la première fois. Elle n’a pas l’habitude de tels élans de sa part. Elle a donc, en effet, de quoi être surprise. Sur quoi Bernard prononce, en prenant soin de ne pas parler trop vite, ni trop fort :
« Tu sais, Jeannette… je n’ai jamais aimé que toi. »

     

Jeanne sursaute et retire précipitemment sa main, comme quelqu’un qui vient de se brûler. Elle demeure saisie un instant, pendant que Bernard retient son souffle. Il regrette déjà d’avoir prononcé cette phrase facile, toute faite… Il n’est même pas sûr qu’elle soit vraisemblable. Il a seulement pensé qu’elle serait la plus « appropriée » pour Jeanne, et qu’elle avait besoin de l’entendre. Il n’en est plus si sûr à présent, à voir la tête qu’elle fait.
Lentement, elle se détourne et marche jusqu’à l’évier. Elle y dépose la vaisselle puis fait couler l’eau pour un pré-rinçage inutile qu’elle s’impose pourtant tous les jours. Bernard sait que les lave-vaisselle modernes n’ont pas besoin de pré-rinçage, mais il la laisse faire comme elle l’entend. Il n’a pas le droit de faire une remarque, estime-t-il : s’il n’est pas content, il n’a qu’à mettre lui-même la vaisselle à laver. Evidemment, ces réflexions n’ont rien à voir avec ce qui préoccupe vraiment Bernard, mais il se les fait tout de même pour détourner sa propre attention du fond du problème. Et le problème est que Jeanne n’a rien répondu. Il est probable qu’elle ne l’a pas cru. Il est encore plus probable qu’il l’a prise au dépourvu. Peut-être qu’en réalité elle ne sait pas quoi dire. Peut-être cette déclaration inattendue a-t-elle eu pour effet de la plonger dans un mutisme encore plus profond. Bernard est désespéré. De guerre lasse, il soupire.
C’est alors qu’il entend Jeanne renifler. Il la regarde, abasourdi, s’essuyer les yeux avec ses mains mouillées. De là où il est, il la voit de profil. Il ne peut donc pas s’y tromper : Jeanne pleure. C’est la première fois que cela lui arrive. Du moins, devant lui. Il ne l’a jamais vue pleurer. Il ne l’en pensait pas capable.
Son cœur et sa gorge se serrent à la vue d’un si désolant spectacle. Dans sa tête, le chat redonne un coup de crocs dans la chair déjà écorchée du lapin. Ses glapissements lui vrillent le cerveau. Impossible de fuir, cette fois. Sa femme pleure. Il se dit implacablement qu’il aurait mieux fait de se taire. Elle ne l’a pas cru. Si elle pleure, c’est qu’elle ne l’a pas cru. Et, pis : il l’a probablement terrassée. En effet, qu’est-ce que cette révélation peut bien lui apporter, maintenant ? Il avait cru la soulager… peut-être bien qu’il s’est trompé. Il pensait bien plus à se soulager lui-même, en réalité, mais c’est peine perdue. Etre confronté ainsi au malheur de sa femme ne fait qu’alourdir son fardeau. Cela ne le lui a pas ôté.
C’est alors que Jeanne, contre toute attente, lui répond enfin :
« Mon pauvre Bernard… Mon pauvre Bernard, dire qu’il t’a fallu quarante ans ! »

 

 

 

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26 septembre 2011 1 26 /09 /septembre /2011 16:35

Voilà voilà, je suis de retour avec un petit récit à vous proposer. J'ai écrit ça hier soir, c'était amusant ! Mes sources d'inspiration sont un fait réel et Dostoïevski, pour ceux qui se le demandent.
Bonne lecture !

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Un cochon

               

 

Bob Boullay est en route vers son bistrot habituel. De belle humeur, mais encore un peu endormi, il traine la patte. Il est dix heures déjà, il a dormi tard ce matin. Mais il n’en est pas fâché pour autant. Le bistrot de Joseph Radaing est à deux rues de chez lui : on y est vite à pieds, inutile de se presser. Il fait très beau. Tout à l’heure, c’est décidé, il ira marcher autour du lac. Après le repas. Ça fait digérer. On mange bien, chez ce bon vieux Joseph. Mais aujourd’hui, c’est Dimanche. C’est un jour à se promener.
                En attendant, Boullay fixe l’horizon avec son air moqueur et se demande combien de ces vieux cancrelats il va retrouver ce matin. Il se réjouit d’avance de les voir. Il aime la compagnie de ses semblables. En bon habitué, il connait tout le monde. Il y passe tous les jours une petite heure en moyenne. Le week-end, il prend ses repas là-bas. Le bistrot, pour lui, il n’y a que ça de vrai. Ce qu’il ignore, c’est qu’on l’y tolère uniquement parce qu’il est un gros consommateur. Autrement, il n’est guère apprécié. Il a l’humour vache et la parole grossière. En plus, il se tient mal. On l’appelle « le cochon », lorsqu’il n’est pas là.
                Il est vrai que Boullay a peut-être des allures de cochon. Déjà, il ne sait pas manger correctement. Il s’en met toujours partout, et à la fin, c’est plutôt rebutant ! Et puis il parle fort. Il rit fort. Il rote fort. Il pète fort. Et il n’en a pas honte. C’est un grossier personnage, comme dit Mme Radaing, la femme de Joseph. Elle s’appelle Yvonne. Bob pense que c’est un nom de vieille grognasse et que ça lui va bien. De toutes façons, la mère Radaing est une dinde, rien de plus.
                Mais voilà qu’en approchant du bistrot, il remarque un attroupement de femmes pas loin de l’entrée. D’instinct, il presse un peu le pas comme pour aller voir ce qui se passe, mais arrivé à leur hauteur, il hausse les épaules et décide de ne pas s’en mêler. Ce sont des affaires de bonnes femmes, et son gosier est sec. Cinq minutes de marche, c’est tout de même fatiguant. D’autant plus qu’il n’a qu’un café et une tartine beurrée dans le ventre…
                Il entre et constate, un peu surpris, qu’il n’y a pas foule au bar. Juste le vieux Lucien avec sa tremblotte, le jeune Garanger dont il ne retient jamais le prénom, Albert, le fils de Radaing qui passe le balai et Joseph Radaing lui-même, occupé à essuyer un verre d’un air maussade derrière son comptoir. Boullay sert la main à tout le monde puis s’asseoit sur un grand tabouret à côté de Garanger et du vieux Lucien. Il regarde scrupuleusement la tête d’enterrement de Joseph. Dans le bistrot, après de pâles « bonjour » et de molles poignées de mains, on observe un silence de mort que seul le bruit du balai frottant le sol vient perturber. Boullay est franchement déçu par cette pauvre ambiance.
                « Eh bien alors mon vieux Joseph ! (Il prononce ces mots tellement fort que tout le monde sursaute et que les frottements du balai s’interrompent un instant. Il a un fort accent du Midi. C’est là-bas qu’il est né, Boullay.) Qu’est-ce que c’est que cette tête d’enterrement ?! Y’a quéqu’chose qui tourne pas rond, ou bien ?
- Oh ! Rien ne tourne rond, rien ne tourne rond ! Tout va de travers ! Tout va de travers ! Pauvre Jo, ah ! ce pauvre Jo…
- Hé bien, Lucien ? Qu’est-ce qu’il a ce pauvre Jo ?
- Un grand malheur…
- Ça oui, un grand malheur, répond Joseph en s’arrêtant d’essuyer son verre.
- Qué malheur ? Qué malheur ?? demande Boullay, vivement intéressé.
- Il va falloir lui raconter, fait remarquer sagement le jeune Garanger.
- Mon vieux, j’ai pas le cœur à ça. Je suis encore tout remué… Hier soir, ç’a été la pire soirée de ma vie ! Dieu me préserve d’en vivre d’autres, des comme ça ! C’est Cafarre… tu le connais bien, c’est un habitué…
- Ah ça oui ! C’est un drôle de coco, hé hé ! Eh bien alors, il a encore causé une bagarre, dis ? Pour sûr, je regrette de pas avoir été là ! Ha ! ha ! ha ! Cette loque de Cafarre ! On a jamais vu pire loque ! Un type qui se balade constamment avé dix grammes d’alcool dans le sang, qué que c’est, à part une loque ?! Hein ? Hé hé !
- Rha ! Bob, tais toi ! Tu choisis mal ton moment, là… laisse le finir, l’interrompt Garanger.
- Oh ça va, mon petit, je déconne ! Allons mon vieux, continue, continue donc !
- Ouais… Il s’est ramené hier soir avec son gosse, le petit Ludo. On en avait jamais vu la couleur jusqu’ici, mais toujours est-il que cette fois-là, il avait pas d’autre choix que d’le ramener. Sa femme s’est barrée. Parait qu’elle n’en pouvait plus, et je la comprends. Ce que je comprends moins, c’est pourquoi elle lui a laissé Ludovic ?
- Peuchère ! Elle en avait peut-être marre aussi ! (Il éclate de rire.)
- J’en sais rien. Toujours est-il que Cafarre avait une sale gueule. Il s’est ramené avec trois copains et il a passé la soirée à faire des libations et à se lamenter. Tantôt il pleurait comme un veau, tantôt il riait. C’était une catastrophe ! Je me suis demandé quand est-ce que j’allais devoir le mettre dehors, et si c’était une bonne idée de le faire… à cause du gosse… Pendant deux heures il a bu, mais il a bu, mais il a bu ! Le petit est resté debout à regarder son père d’un air effaré pendant ce temps-là. Il m’a fait pitié, que veux-tu ? A la fin, je me suis dit qu’il devait avoir soif, ce môme (faut dire qu’il était pas vieux… quatre ans à tout casser !), alors j’ai demandé à son père la permission de lui servir à boire. En réponse, il a beuglé comme un boeuf que le gosse avait très soif, et là-d’ssus il lui a proposé la bière d’un de ses camarades, qui s’en est beaucoup amusé. Je l’en ai empêché, bien sûr. J’ai servi un fond de grenadine bien sucrée au gamin, dans un grand verre comme ça. »
                Il montre à Boullay un grand verre à pastis de forme cylindrique. Il le prend dans sa main et le contemple d’un air désolé. Boullay est ennuyé par ce manège. Il veut que l’histoire avance.
                « Et puis après ?! Pas de quoi casser trois pattes à un canard ! »
Là-dessus, Joseph Radaing fait « non » de la tête et son visage se tord dans un sourire douloureux. Il se retourne pour remettre le verre à sa place, mais reste de dos et pousse un profond soupir. Ahuri, Boullay regarde les autres. Le vieux Lucien hoche la tête et sa tremblotte semble redoubler de vigueur ; ses mains appuyées sur sa canne la font bouger d’avant en arrière. Il n’y a rien à tirer de lui. Le jeune Garanger se décide à ouvrir la bouche. « Ce gamin-là doit avoir vingt-cinq ans, mais il a l’air moins con que les autres », se dit Boullay.
                « Oui… lâche Garanger. L’ennui, c’est que ces chiens l’ont diluée avec de la vodka au lieu de l’eau pendant de Jo avait le dos tourné…
- J’avais pourtant posé une carafe sur le comptoir !
- Ouais… mais tu leur avait laissé la bouteille, comme ils l’avaient tant réclamée… et apparemment, pour ce que j’en sais… ben… ils ont obligé le gosse à tout boire. »
                Boullay réprime un gros rire.
                « Précoce, le gamin ! »
                Radaing se retourne en mettant beaucoup de brusquerie dans son geste. Il est rouge d’indignation.
                « Bougre d’imbécile ! Précoce ! Ah oui, précoce, le gamin ! Précoce ! C’est surtout qu’il est mort !! C’est précoce, ça aussi !?
- Ah, non ! ça, c’est prématuré !
- Et voilà qu’il rit ! Vous l’entendez ! non mais, vous l’entendez, cette canaille ?! Il rit ! Ah ! retenez-moi ! retenez-moi où je lui défait le portrait ! Quel chien tu fais, Bob ! Ah non ! vraiment, ferme-la maintenant ! Ferme-la !
- Hé, oh ! mon vieux, qu’est-ce que c’est que ces manières ? Ne te venge pas sur moi, c’est pas de ma faute ce qui arrive ! Et puis, parbleu, qu’est-ce que j’y peux ? C’est fait, c’est fait ! Je faisais de l’humour, voilà tout, prend pas la mouche ! Tu t’insurges comme si c’était ton gosse, or, c’est pas le tiens !
- Oui, mais ça aurait pu l’être !
- Eh bien ça ne l’est pas, tranquilise toi un peu !
- Que je me tranquilise ? J’ai pas fermé l’œil de la nuit ! Je suis complètement bouleversé par cette histoire… Te rends-tu comptes ? c’est dans mon bistrot que c’est arrivé, pratiquement sous mes yeux !
- C’est sûr que ça te fait pas une bonne pub, mon pauvre Joseph.
- Mais c’est pas question de ça ! J’aurais pu l’empêcher et je n’ai rien fait ! Je n’ai rien vu ! J’ai été occupé toute la soirée, j’ai bien vite oublié le gamin et sa grenadine, moi ! Il y avait bien dix clients sur mon dos ! Débordé, que j’étais ! débordé ! Comment aurais-je pu intervenir ? Comment ?
- Tu ne l’aurais pas pu, le rassure le vieux Lucien, il n’y avait rien à faire. Cela devait arriver, c’est la fatalité qui veut ça. Le monde ne tourne pas rond, moi je vous le dis, il ne tourne pas rond ! Maintenant on fait boire des enfants, Seigneur ! Des petits enfants !
- Comment un père peut-il laisser faire ça ? demande Garanger, écoeuré.
- Peuchère ! C’est pas un père ça, je l’ai dis, c’est une loque ! une loque ! une loque, voilà tout ! »
                Plus personne ne dit rien, tout le monde semble reprendre son souffle. Garanger hoche la tête. Il semble d’accord avec Boullay. Il est résigné. Radaing regarde la vitrine en soupirant comme un malheureux.
                « Et ma femme… elle ne s’en remet pas non plus, la Yvonne ! Elle a ameuté tout le quartier, je n’ai pas pu l’en empêcher. Que voulez-vous, il faut qu’elle s’épanche, pardi ! Elle a besoin d’en parler à tout le monde, elle est comme ça. On ne peut pas lui en vouloir, elle a eu tant de chagrin… elle a passé la nuit à pleurer comme un veau. Inconsolable, qu’elle était ! Cela m’a fendu le cœur. Un instant, je l’ai crue perdue. C’est qu’elle sombrait dans la folie ! Que voulez-vous, un drame pareil, ça laisse des traces ! Tenez, justement, la voilà qui rentre. Mon Dieu ! comme elle est rouge d’avoir pleuré… elle s’essuie encore le visage. Je crois bien qu’elle n’en peut plus. »
                En effet, Yvonne Radaing rentre dans le bistrot. Elle renifle fortement et refoule avec peine de gros sanglots qui secouent son opulente poitrine. C’est une grosse et petite dame très respectable. Boullay l’accueille avec un large sourire ironique, et, reposant ses mains sur son ventre gonflé par l’alcool et la mangeaille, il fait grincer son tabouret en le tournant dans sa direction.
                « Eh bien ! la Yvonne ! Il parait qu’on verse des torrents de larmes ?
- Oh ! taisez-vous, vous ! Je n’ai pas le cœur à vous parler. Ah ça ! vous êtes bien le dernier à… à qui j’ai envie de parler !
- Vous désolez pas, Madame. Ah ça mais, c’est vrai qu’elle pleure comme si que c’était à elle que c’était arrivé !
- Mais c’est précisément à moi que ça arrive, Monsieur, réplique la digne femme. C’est bien à moi que ça arrive, à qui d’autre ? Vous voyez quelqu’un d’autre ici ? Non. Je suis bien malheureuse… C’est terrible tout cela… terr…i-ible ! (Elle se remet à pleurer à chaudes larmes.) Et dire que c’est chez-moi que c’est arrivé ! A-ah ! Quel malheur ! Pau-auvre de moi ! Qu’allons-nou-ous devenir, mon Jo et moi-i ?
- Bah ! Vous deviendrez ! vous deviendrez ! »
                Elle ne répond rien. Elle pleure pour de bon, et son mari la regarde d’un air atterré. Boullay se tait, mais il commence à avoir très soif et ne supporte guère les gémissements de la Yvonne, ni ses larmes de crocodile. Le vieux Lucien et le jeune Garanger regardent fixement le sol. Albert continue inlassablement à balayer. Boullay s’ennuie ferme. Alors, il frappe un bon coup dans ses mains et réveille à nouveau tout le monde.
                « Bah ! ça nous fera toujours un divertissement pour la semaine, même si j’vous parie que dans deux jours, on en entendra plus parler. C’est la mère du p’tiot qui va être contente ! D’ailleurs tout le monde s’en trouve bien content. Bien content !
- Quoi ?! Comment osez-vous, goujat, dire que je suis contente alors que je verse des larmes de sang !?
- Allons, allons, Madame Yvonne ! il ne s’agit pas que de vous. Vous êtes un peu trop centrée sur votre personne, Madame Yvonne. Même si je veux bien croire que vous êtes, vous aussi, bien contente de ce qui arrive. Vous pleurez mais au fond, cela vous change et vous distrait. Ça faisait sans doute longtemps que vous ne vous étiez pas laissée aller comme ça. Ça vous fait du bien, va !
- Comment ?! Mais faites-le taire ! De quoi parle-t-il ? Moi, moi ! moi, je me distrait de la mort d’un enfant ?!
- Mais tout le monde s’en distrait, ma bonne dame, tout le monde ! Grâce à vous, d’ailleurs, tout le village est au courant ! ça leur fait un sujet de discussion, allez ! Ils peuvent se plaindre de ce qui se passe, tout comme vous ! Cela leur donne un vrai soucis ! Quoi de plus distrayant qu’un vrai malheur, dans le fond ? Soyez honnêtes !
- Jo-Joseph ! Fais le taire, tu veux ? Je ne veux plus l’entendre ! je ne veux plus ! Il me rendra folle ! folle ! Je lui collerais une gifle !
- Si ça peut vous défouler, ma petite Yvonne, mettez m’en une ! Ha ! ha ! ha !
- Bob ! intervient Radaing, de plus en plus consterné. Ça suffit, tais toi, pour l’amour du Ciel ! Tu vas un peu loin, maintenant. Ne me force pas à te mettre à la porte. On ne dit pas ces choses-là à une femme, à la mienne encore moins qu’à une autre, tu comprends ? »
                Boullay cède, lève les mains en l’air et se rassied correctement. Il regarde ses camarades. Le vieux Lucien est toujours branché sur le sol. Le balai d’Albert aussi. Seul le jeune Garanger le regarde fixement et semble réfléchir. Au bout d’un moment, ce bavard de Boullay rompt à nouveau le silence.
                « Et le père du petit ? Cafarre ! Qu’est-ce qu’il en dit ? Il a arrêté de boire, je parie ! Hé ! hé !
- Ah ça oui, pour sûr, il a arrêté de boire, répond calmement Garanger. Je peux vous dire qu’il ne boira plus jamais de sa vie.
- Ça lui serait difficile, compléta Joseph, il s’est foutu à l’eau cette nuit. Les gendarmes l’ont repêché dans le lac ce matin. Il est interdit aux visiteurs pour la journée.
- Merde, c’est triste… moi qui voulais aller m’y promener tantôt… »
                Personne ne réplique, et Boullay ne pense pas à regarder quelle tête ils font, tous. Il fixe ses genoux d’un air accablé. Il l’est, en effet. La journée va de mal en pis pour lui. Depuis ce matin, il n’a pas de chance. Il est entouré de pleurnichards égoïstes, une bande de chiens gémissants s’est formée au dehors : on ne va plus parler que de cette affaire toute la journée au village. Et voilà qu’il a faim, soudainement. La Yvonne s’est arrêtée de renifler, peut-être est-elle partie. N’empêche qu’il n’ose pas demander à manger, ni à boire, car il sait qu’il sera seul dans son plaisir. Cela a le don de le lui gâcher. Radaing, pour s’occuper sans doute, se met à frotter le bar avec un torchon. Après cinq minutes de silence insoutenables, n’y tenant plus, Boullay passe sa commande.
                « Sers moi un pastis s’il te plait, Jo. Bien dilué… avec de l’eau.»
                Jo lui sert nonchalament son pastis après lui avoir jeté un regard des plus noir. Boullay attend qu’il ait fini. Il est déçu : sa plaisanterie n’a pas pris. Il se tait un moment et laisse douloureusement son estomac gargouiller sans rien oser demander à Joseph. Il va attendre un peu avant. Il ne veut pas le surcharger de travail tout d’un coup, ni s’attirer des remarques désobligeantes, mais il a faim quand même.
                « Hé, dis donc, ajoute-t-il un moment après, j’ai la dalle. T’aurais pas un peu de saucisson ? du bon ?
- Tu penses à te remplir la panse après un tel drame… observe Radaing avec une moue écoeurée et méprisante. Bob Boullay, t’es vraiment un cochon. »
Il lui apporte quand même un saucisson. Entier. Il prend même l’initiative d’apporter une baguette et du beurre. Il sait très bien que Boullay lui laissera un bon pourboire. Il n’est pas radin, Boullay.
« Mais non, mon vieux, répond celui-ci quand il revient. Mais non, je suis pas un cochon, je suis un homme, voilà tout. »

Par la suite, peu à peu, les esprits se détendirent et les appétits se creusèrent. Garanger fut le premier à demander une tranche de saucisson à Boullay. Très vite, les autres le suivirent.

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23 août 2011 2 23 /08 /août /2011 22:10

... sur ma plume !

 

La présentation sera rapide. Je présente ici quelques petits récits ; merci à ceux qui passeront les lire.

 

Bonne journée !

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